France, été 2020 (Partie 9)
Retrouvailles avec ma maman allemande
Quelques années en arrière
Une rencontre qui a tout changé
Dans notre petite maison au bord des canaux, nous sommes rejoints, pour deux jours, par ma “petite maman allemande”. Pour t’aider à mieux comprendre qui est Yasmina, et ce qu’elle représente pour moi, il faut remonter 10 ans en arrière…
Cette première journée de licence à l’ISFATES a été vraiment déterminante pour le reste de ma vie! (Tout comme ma première journée de master à Lyon, puisque c’est le jour où j’ai rencontré ton Papa: Le récit de notre histoire)
Trop heureuse d’avoir quitté mes parents, grisée par la liberté de faire ce que je veux, quand je veux, comme je veux… Je manque le bus pour la fac, et j’arrive avec quelques minutes de retard pour la réunion de rentrée…
Pour la parfaite petite Amélie de 17 ans, d’une éducation irréprochable, bonne élève et chouchoutte des professeurs: “C’est une catastrophe!”
Pour la Amélie rebelle qui sommeille en moi: “Tranquille, c’est pas graaaaaave!”
Yasmina (qui, je l’apprendrai pas la suite, est une retardataire chronique) te dirait qu’elle a vu débarquer dans le hall de l’école “une blondinette à lunettes dans une jolie petite jupette”, un peu en mode Heidi débarque à la grande ville.
Ma Yasmina!… Pull large, leggings, 30 piges, d’une exubérance déconcertante, qui se fiche totalement du regard ou de l’avis des autres. Je reste scotchée devant ce bout de femme, qui me prend sous son aile, sans trop comprendre qui elle est, ni ce qu’elle fait là!
Nous entrons dans l’amphitéâtre avec dix bonnes minutes de retard. Elle interpelle le professeur, qui est en train de parler, pour lui demander si nous pouvons venir nous assoir à l’avant, car elle n’entend pas bien depuis le fond de la salle… Évidemment, les 120 paires d’yeux des éléves de la promo se tournent vers nous, je deviens instantanément rouge écarlate!!!
Je comprends donc que Yasmina est, elle aussi, étudiante en première année. C’est marrant, quand tu sors du bac, tu ne t’imagines pas que des gens puissent reprendre leurs études, après plusieurs années dans le monde du travail… Alors que toi, au contraire, tu n’as qu’une hâte, c’est de quitter les bancs de l’école!
Créer une relation irremplaçable
Notre relation se construit petit à petit. Yasmina est plutôt studieuse et solitaire, elle a déjà sa vie, son mari, ses expériences. De mon côté, j’ai tout à découvrir, tellement à apprendre, je suis assoifée de sorties, affamée de sociabilité…
La “grande entrée” du premier jour m’aura valu une certaine notoriété au sein de la promo. Je suis invitée aux before* des uns et des autres , je me retrouve secrétaire du BDE (bureau des élèves)…
Nous ne sommes pas du tout aux mêmes stades de nos vies, mais quelque chose nous lie l’une à l’autre. Dans le bureau du BDE (dont elle est la trésorière), nous passons des heures à discuter, de tout et de rien, d’elle et de moi. Elle m’apprend la vie.
Je n’ai pas honte de te le dire, c’est elle qui m’a expliquée comment se passerait ma première fois avec un garçon. Elle qui m’a dit pourquoi ça ne s’était pas bien passé et comment faire pour que ça soit mieux… J’espère, un jour, être capable de t’offrir les mêmes conseils, de trouver les bons mots, ceux qui ne mettent pas mal à l’aise, qui font sourire, parfois même rire, sans rien enlever à l’importance de la chose.
De son côté, elle commence les essais bébé avec son mari. Plusieurs mois ont été nécessaires, pour que son petit Lion vienne se nicher dans son ventre… Au cours d’un voyage que je lui avais conseillé, en Guadeloupe! (Je te parlerai un jour de nos origines familiales et de cette île)
Continuer à tisser ce lien
J’étais là de longues heures, dans le noir, durant ses migraines de grossesse. Elle était là, tant de fois, à caresser mes cheveux et essuyer mes larmes, après mes ruptures amoureuses.
J’étais là à la maternité, à quelques heures de la naissance de Lion, quand son mari ne pouvait lui tenir la main. Elle était là, sans jugement, quand elle savait que je me fiançais avec le mauvais garçon.
J’étais là, tentant de la soutenir, quand son mariage a cessé de fonctionner. Elle était là, ébahie de tout le chemin que je parcourais.
Nous nous sommes échangées de longues lettres, quand elle a décidé de se faire aider pour reprendre sa vie en main.
Elle a su être là, malgré une rémission toute récente, quand je choisissais d’épouser ton Papa. Elle a fait tous ces kilomètres, pour me voir devenir femme.
Elle a été celle qui m’a donnée la force, physique et mentaile, de te concevoir… (Article sur Le désir d’enfant)
Elle n’est pas une amie, pas une mère, ni même une soeur… Elle est ma “petite maman allemande”. Nos âmes devaient se connaître dans une vie passée, car une fois qu’elles se sont retrouvées, elle n’ont jamais pu se quitter!
Une parenthèse au bord de l'eau
Prendre le temps...
Yasmina arrive dans l’après-midi du dimanche. Maman trépigne d’impatience, ouvrant la porte d’entrée au moindre bruit dans la rue… Tu n’as pas du tout le même comportement avec elle, qu’avec les autres personnes croisées sur notre route cet été. Comme si tu savais la particularité de cette femme dans ma vie, dans notre vie.
Nous savourons chaque instant pendant ces deux belles journées d’été. Yasmina t’apprivoise doucement, tu la laisses jouer avec toi, te lire des histoires… Et puis spontanément, tu viens t’allonger tout près d’elle, tu poses ta tête sur ses genoux et tu attrapes sa main, pour qu’elle te caresse les cheveux! Maman et Yasmina se regardent, les larmes aux yeux. Ce geste, si innocent, est d’une telle douceur…
La maison est entourée de chemins de halages, au bord d’étangs et de canaux. Nous partons faire de belles randonnées en porte bébé. Tu finis forcément à patauger dans la boue et les cailloux, tes petites fesses dans l’eau du lac!
...De rattraper tout ce temps
Nous avons toujours passé de longues heures à discuter, Yasmina et moi. De choses importantes de la vies, de sujets “life changing”, qui remettent en question nos idées préconçues. Je savais qu’en la retrouvant, avec la particularité cette fois, d’être toutes les deux mamans, j’allais ressortir de ces deux jours “tranformée” dans ma maternité.
Les conversations sont principalement centrées autour de la Matrescence (Article juste ici), la parentalité, l’éducation et le couple dans tout cela…
J’aime tellement sa façon de m’apporter ses opinion, de m’aider à éclaircir les miennes. Elle n’a pas une vie facile, et pourtant, elle ne juge jamais les problématiques, parfois futiles, que je peux lui présenter. Nous restons des heures à parler, et je me sens tellement mieux après ces deux jours!
Je ne pourrais pas te retranscire tout ce que nous nous sommes dites. L’idée que j’aime principalement retenir, est qu’il n’existe pas de parent parfait, pas de famille idéale. Nous commettons tous des erreurs, même (et surtout) avec nos enfants. Mais il faut garder à l’esprit, que ce que nous leur donnons à chaque instant, doit être le meilleur de nous-même à cet instant précis.
Même si parfois, notre meilleur, c’est de nous énerver et de crier… Cela aide à se délester, un peu, de cette horrible culpabilité, injustifiée, qui nous assaille chaque jour en tant que parents!
Vis ma vie d'expat
Douce France, cher pays de mon enfance
Après un mois en France, nous ne sommes plus dans l’excitation des expatriés, tout juste rentrés au bercail. Yasmina de son côté, n’a qu’une hâte: Aller au supermaché!
Pour notre Française, qui vit en Allemagne depuis plus de quinze ans, les petits bonheurs se cachent dans les rayons d’un Leclerc… Des biscuits pour le goûter, aux croissants et autres viennoiseries, en passant par les fournitures scolaires et le fromage blanc… Cette sortie est une véritable chasse aux trésors!
Elle rentre dans sa campagne Allemande les bras chargés de victuailles pour son fils et pour elle, et le coeur comblé, je l’espère, de tout l’amour que nous ayons pu lui donner…
Halte sur la route
À trois à Troyes
La série des aurevoirs continue, les larmes, le coeur qui se serre… Décidément, je ne m’y ferai jamais…
Nous avons choisi de couper la route du retour en deux étapes. Pour permettre à Papa de travailler, d’une part, et pour ne pas te faire trop de voiture d’une seule traite, d’autre part.
C’est ainsi que nous nous retrouvons dans un petit village en pleine campagne, à quelques kilomètres de Troyes. Avec rien d’autre à faire que de ne rien faire! Balade en poussette, séance de sport dans le jardin, un petit tour dans la piscine, la journée est vite passée.
Dès le lendemain matin, il faut reprendre la route…
Notre périple de 6 semaines et 2305 km
