Naissance de Louise
Parentalité

Récit de naissance – Louise 8 août 2019

Un accouchement peut tout à fait se passer parfaitement sur le plan médical… Mais laisser un goût amer à une maman dépossédée de son enfantement.

Mercredi 7 aout 2019

C’est notre premier été en Virginie et je découvre les joies de la fin de grossesse en pleine canicule… Par chance, nous avons une piscine dans la résidence. J’y passe tellement de temps que le surveillant doit se demander si je ne vais pas accoucher dans l’eau! J’ai lu plus de livres sur ces deux derniers mois de grossesse que ces deux dernières années!

Ce mercredi, j’alterne entre lecture, aquagym et petite séance de sport dans la salle climatisée de la résidence. Je me dis que les trois étages à monter et descendre ne peuvent qu’être bénéfiques pour l’accouchement que je souhaite imminent.

Après une soirée au calme avec ton papa, je vais me coucher de bonne heure. Je ne l’entends pas me rejoindre dans le lit, mais je pense qu’il n’a dormi que quelques minutes. À minuit et demie, je suis réveillée par une étrange sensation, pas un gros “ploc” comme on décrit parfois l’explosion de la poche des eaux, mais je ressens que dès que je vais me lever, tout va sortir! Alors je me prépare psychologiquement au sprint de ma vie: du lit à la salle de bain, jambes et fesses bien serrées. J’atteins les toilettes sans trop de dégâts et effectivement, je me vide de l’équivalent d’une petite bassine d’eau.

Jeudi 8 aout 2019

00h35

J’attends quelques minutes que le flot se tarisse pour aller réveiller ton père. Je lui dis tranquillement que je viens de perdre les eaux et qu’il peut se réveiller gentiment, je vais appeler la maternité. Au téléphone, ils me disent de prendre mon temps et de venir d’ici une heure “pour vérifier”. Je décide de prendre une douche et fini de préparer le sac de maternité.

Cela fait plusieurs semaines qu’il attend devant la porte d’entrée. Quelques vêtements pour toi, un stock de magnifiques culottes jetables, un soutien gorge et un top d’allaitement, une brosse à dent, du dentifrice et du déodorant, ainsi que quelques friandises pour Papa… Je me suis dit que ça allait durer de longues heures et qu’il aurait besoin d’une source d’énergie! Au dernier moment, je me rappelle avoir préparé un gâteau au chocolat l’après-midi, je l’emballe rapidement et nous partons, coussin d’allaitement sous le bras.

Je ressens mes premières contractions en arrivant à l’hôpital. Elles ne sont pas très douloureuses mais prends enfin conscience que le travail commence.

01h20

Une infirmière des urgences me monte à la maternité en fauteuil roulant, j’ai l’impression que le trajet dure des heures à travers ces interminables couloirs d’hôpital! On m’installe dans une salle de triage où une sage-femme me demande d’un air condescendant si je suis “sûre d’avoir perdue les eaux, car à ce stade de la grossesse il n’est pas rare de se faire pipi dessus”…

Je crois que ces quelques mots et ce regard ont suffi à faire basculer mon accouchement de “je vais mettre au monde mon enfant” à “le personnel hospitalier va me faire accoucher”. À partir de là, je n’ai repris le contrôle de ta naissance que deux ou trois minutes après que tu sois née, en réclamant qu’on te pose sur moi.

La sage-femme me demande donc d’uriner dans un pot pour tester si oui ou non ma poche des eaux est rompue, puis elle me pose un monitoring, et s’en va. Nous attendons longtemps, très longtemps… Je commence vraiment à souffrir et je ne sais pas trop comment me mettre pour être mieux, ou moins pire. La douleur en arrive à me faire vomir et je me vide à chaque contraction. Après au moins une heure, une infirmière vient nous confirmer que la poche des eaux est rompue et que le travail a commencé (sans blague?!). Et que nous allons pouvoir passer en salle de naissance.

03h00

Les quelques mètres qui me séparent de cette chambre sont un supplice. Je tiens à peine sur mes jambes et l’infirmière doit me soutenir pour m’aider à avancer. Je ne me souviens absolument pas de la chambre, j’ai beau savoir que les salles d’accouchement aux États-Unis sont luxueuses et agréables, j’aurais aussi bien pu me retrouver dans une étable… Je ne suis plus vraiment là de toute façon.

Entre deux vomis, la sage-femme qui nous a été attribuée tente tant bien que mal de remplir mon dossier médical en me posant mille et une questions… Il faudrait qu’on m’explique l’intérêt de se pré-inscrire à la maternité et d’aller spécifiquement accoucher dans l’hôpital où exerce ma gynécologue, si ils ne sont pas fichus d’avoir mon dossier à jour au moment le plus inopportun! Bref, je garde un flou souvenir de cette sage-femme qui n’a pas quitté ma chambre une seule seconde, mais qui était plus secrétaire médicale qu’une accompagnante à la naissance…

04h00

Après une heure à vomir tripes et boyaux, quelqu’un suggère qu’il serait bon que je me réhydrate, avec de préférence une boisson sucrée pour prendre un peu de force. Je bois donc au moins deux litres de jus de pommes… tous ressortis aussitôt.

À cet instant, je ne peux plus tenir, en larmes et extrêmement seule dans mon désarrois, je demande la péridurale. Étonnamment je garde un très bon souvenir de l’anesthésiste et de la piqure. Même si la douleur ne s’est jamais vraiment calmée

Du début à la fin, je ne me souviens pas vraiment avoir souffert des contractions en elles-mêmes, mais plutôt de ces remontées acides qu’elles provoquaient dans mon estomac et me qui me faisaient instantanément vomir. Du coup, péridurale ou non, mon estomac se retrouve toujours compressé à chaque contraction, et les vomissements ne se calment pas… Pas de repos possible donc.

Quelques temps après la pose de la péri, la sage-femme souhaite vérifier l’ouverture de mon col… Mouvement de panique général, je suis à dilatation complète! Elle appelle ma gynéco en urgence, fait préparer la salle pour la naissance. Et finalement, quand ma gynécologue arrive, je ne suis ouverte qu’à 7 1/2… Elle me dit de me reposer encore quelques heures, car la naissance se fera dans le courant de la matinée.

05h00

Sauf que tu en décides autrement, et tu choisis ce moment de “répit” pour faire des petites décélérations cardiaque. Nouveau mouvement de panique, la sage-femme me demande de m’allonger sur le coté pour t’aider un peu et me met un masque à oxygène sur le visage. Cela semble fonctionner et nous passons une ou deux heures entre vomis, petites baisses de rythme cardiaque, masque à oxygène et sensation très désagréable (que je juge “atroce” à cet instant précis) des os de mon bassin en train de s’écarteler pour te laisser passer.

Je demande toutes les dix minutes à ma secrétaire (sage-femme) si la péridurale fonctionne vraiment parce que je souffre le martyre. Ce à quoi elle répond, je cite: “La péridurale est faite pour calmer la douleur des contractions, pas celle de l’ouverture du bassin”… Ha bon, bah si un anti-douleur n’est pas supposé calmer la douleur, je me demande bien pourquoi on le propose…

07h00

On me dit qu’il va falloir commencer à pousser. Je prends alors le temps de vivre un moment coupé du monde. Je me souviens regarder pas la fenêtre et admirer la lumière du soleil qui se lève. Je me souviens me dire “je me suis couchée seule hier soir, et ce matin je vais me réveiller avec mon bébé”.

Et puis c’est le moment… Je ne sais pas ce que je fais ni ce que je dois faire, j’ai l’impression que ça dure des heures! ⁠… Je ne sais pas ce que je fais ni ce que je dois faire, j’ai l’impression que ça dure des heures! Finalement la tête est presque là et ma gynécologue me demande si je préfère que ça déchire ou qu’elle coupe. Bref instant de lucidité: “No épisiotomie!!!” (Tu t’en doutes, elle a coupé quand même…)

07h30

Plus rien n’a d’importance. Je suis maman, j’ai mis au monde le plus merveilleux des bébés et, je ne le sais pas encore, mais je vais oublier ces dernières heures pour les mois à venir. Après quelques tests, on te pose enfin sur moi. Sans que nous ne nous en rendions compte, la salle se vide, pour nous laisser le temps de nous rencontrer, juste tous les trois…

Puis tu étais là

Aout 2021

Je sais que je n’ai pas parlé une seule fois de ton papa dans ce récit, et je sais qu’il ne m’en voudra pas… Nous en avons beaucoup discuté, longtemps après. Nous avons partagé nos regrets, notre colère, notre honte.

J’avais commencé à exprimer mon désir de maternité plusieurs mois avant de tomber enceinte, j’ai littéralement harcelé ton père pour t’avoir. (Cf. mon article sur le désir d’enfant) Mais je crois que ni lui ni moi n’étions vraiment au fait de l’aventure dans laquelle nous nous lancions. Je voulais être enceinte. Je l’étais.

Dans mon esprit, le reste viendrait naturellement… Et l’accouchement aussi! Nous ne nous sommes pas vraiment préparés, nous n’avons jamais pris le temps de vraiment en parler… Et nous nous sommes retrouvés démunis face à une équipe médicale qui n’a eu de cesse de nous infantiliser, plutôt que de nous accompagner.

Le plus important est que tu sois née en bonne santé, que nous soyons tous les trois heureux de la famille que nous formons. Les choses auraient pu, auraient du, se passer différemment, mais nous ne réécrirons pas l’histoire. Te rencontrer a été la plus belle chose qui me soit jamais arrivée, et même si je n’oublie pas les heures qui ont précédé ce moment, elles ne comptent plus.⁠

Cela m’aura pris plusieurs mois pour accepter de me souvenir, pour comprendre, pour passer, une fois encore, la culpabilité, et pour ne plus être triste de cette naissance. Le souvenir doux amer du plus beau jour de ma vie fait partie de la maman que je suis aujourd’hui. ⁠

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